30 juin - où va l'hôpital ?

Publié le par ababordtoute

Transmis par mail ( et publié par le Télégramme, un article intéressant sur l'avenir de la santé )

FRANÇOIS DANET. « L’HÔPITAL EST DANS UNE LOGIQUE D’ENTREPRISE »
Psychiatre, médecin légiste et docteur en sociologie, François Danet vient de publier « Où va l’hôpital ? » (*) Une question qui, avec le conflit à l’hôpital de Carhaix et la fermeture des urgences de nuit à Concarneau, est d’une brûlante actualité. 

Fermetures de services, restructurations tous azimuts... L’hôpital public, comme on le voit en Bretagne, vit des moments difficiles. Quel est votre diagnostic ? 
Depuis 1982, a été instaurée au sein de l’hôpital une logique d’entreprise qui n’est qu’une copie du modèle américain. Avec le plan hôpital 2007-2012, on est en train de vivre l’aboutissement de cette logique « hôpital-entreprise ». Toutes les réformes que l’on a connues, comme la tarification à l’acte, sont motivées par l’économie. 

Quelles sont les conséquences de ce choix ? Le patient devient un tarif et le patient idéal, c’est celui qui a une pathologie unique. Ceux qui ont plusieurs pathologies ou des problèmes sociaux ou psychologiques se retrouvent aux urgences, lesquelles sont devenues un grand dispensaire. La médecine d’urgence est devenue le lieu d’accueil de toutes les situations indésirables. 

Les pouvoirs publics disent qu’il y a trop de plateaux techniques. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ? Cela dépend de ce qu’on appelle plateaux techniques. On peut admettre effectivement qu’il faille en supprimer, mais on peut aussi imaginer de petits plateaux techniques. Ce n’est pas tout ou rien. 

Les pouvoirs publics invoquent des questions de sécurité, comme à Carhaix, pour fermer des services. Est-ce, selon vous, un prétexte ou une vraie raison ? Ça repose partiellement sur la sécurité, mais il faut le prouver acte par acte. C’est un peu une question idéologique. Aujourd’hui, il faut être un manager pour plaire ou faire semblant de plaire. Les médecins so nt sommés d’être des managers. Le modèle de société, c’est le manager, celui qui rationalise. D’où ces regroupements de services auxquels on assiste avec, en parallèle, la suppression des petites structures. 

Mais est-ce vraiment un bon moyen de faire des économies que de supprimer les petites structures ? Très paradoxalement le plan hôpital 2007-2012 est une réforme dépensière. Quand on favorise la monopathologie, on favorise le patient qui coûte cher. On est dans une logique inflationniste. Autre aspect, on exclut de plus en plus de gens des soins. En conséquence, le système sanitaire qui était jusqu’à présent le système le plus redistributif le sera de moins en moins. Ce n’est pas forcément la volonté de ceux qui ont mis en place ces réformes, mais c’est pourtant ce à quoi on aboutit. 

Quelle serait une bonne politique ? Aujourd’hui, comme à Carhaix, on supprime des services mais on ne les remplace par rien. On dit seulement aux gens : allez vers le grand hôpital. Une bonne politique, à mon sens, passerait par la valorisation des hôpitaux de proximité et la création de dispensaires. Ce qui suppose la revalorisation de la médecine générale. 

Pensez-vous possible qu’une autre logique puisse être mise en œuvre ? Je croise des gens qui sont impliqués dans ces réformes et qui n’y croient pas. Ils n’y croient pas parce qu’ils voient bien les effets pervers. Tout le monde est entraîné dans cette logique sans, pour l’instant, réussir à l’interrompre. Le problème c’est qu’à terme ces réformes vont coûter cher parce qu’en supprimant des structures il y aura plus de gens malades. *
« Où va l’hôpital ? » Éditions Desclée de Brouwer.
Propos recueillis par Yvon Corre
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