11 août- OMC
A propos de l'échec du récent sommet de l'OMC, voici un article d' Evo Morales Ayma, Président de la République de Bolivie :
Des études de la FAO signalent que les actuelles forces de production agricoles sont capables de nourrir 12 milliards d'êtres humains, c'est-à-dire, quasiment le double de la population mondiale actuelle. Et pourtant, il y a une crise alimentaire, car on ne produit pas pour le bien-être de l'humanité, mais en fonction du marché, de la spéculation et de la rentabilité des grands producteurs et des grands négociants d'aliments. Pour faire face à la crise alimentaire, il est nécessaire de renforcer l'agriculture familiale, paysanne et communautaire. Nous, pays en développement, devons récupérer le droit de réglementer nos importations et nos exportations pour garantir l'alimentation de nos populations. (...)
Nous devons en finir avec la consommation effrénée, le gaspillage et le luxe. Dans la partie la plus pauvre de la planète, des millions d'êtres humains meurent de faim chaque année. Dans la partie la plus riche de la planète, des millions de dollars sont dépensés pour combattre l'obésité. Nous consommons trop, nous gaspillons les ressources naturelles, et nous produisons des déchets qui polluent la Terre Mère.
Chaque pays devrait consommer en priorité ce qu'il produit localement. Un bien qui traverse la moitié du monde pour arriver à destination est souvent moins cher que celui qui est produit chez soi, mais si nous tenons compte des coûts environnementaux du transport de cette marchandise, la consommation d'énergie et la quantité d'émissions de gaz carbonique que cela génère, alors nous arrivons à la conclusion qu'il serait plus sain pour la planète et l'humanité d'encourager la consommation de ce qui est produit localement. Le commerce extérieur doit être un complément de la production locale. Nous ne devons privilégier d'aucune façon le marché extérieur aux dépends de la production nationale.
Le capitalisme veut tous nous uniformiser pour nous transformer en de simples consommateurs. Pour le Nord, il n'existe qu'un seul modèle de développement, le sien. Les modèles uniques sur le plan économique s'accompagnent de processus d'acculturation généralisée qui nous impose une seule culture, une seule mode, une seule façon de penser et de voir les choses. Détruire une culture, porter atteinte à l'identité d'un peuple, est le dommage le plus grave que l'on peut faire à l'humanité.
Le respect et la complémentarité pacifique et harmonique des diverses cultures et économies sont essentiels pour sauver la planète, l'humanité et la vie.
Pour que ce cycle de négociations soit effectivement un cycle du développement, ancré dans le présent et le futur de l'humanité et de la planète, il devrait :
-Garantir la participation des pays en développement à toutes les réunions de l'OMC, et mettre un terme aux réunions exclusives de la « salle verte » ;
-Mettre en œuvre de véritables négociations asymétriques en faveur des pays en développement dans lesquelles les pays développés octroient des concessions conséquentes ;
-Respecter les intérêts des pays en développement en ne limitant pas leur pouvoir de définir et de mise en œuvre de politiques nationales dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie et des services ;
-Réduire effectivement les mesures protectionnistes et les subventions des pays développés ;
-Garantir le droit des pays en développement à protéger, le temps qu'il faut, leurs industries naissantes, comme l'ont fait les pays industrialisés par le passé ;
-Garantir le droit des pays en développement de contrôler et de définir leurs politiques en matière de services, en excluant de manière explicite les services essentiels de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) de l'OMC ;
-Limiter les monopoles des grandes entreprises sur la propriété intellectuelle, promouvoir le transfert de technologie, et interdire le brevetage de toute forme de vie ;
-Garantir la souveraineté alimentaire des pays en éliminant toute limitation à la capacité des États à réglementer les exportations et les importations d'aliments ;
-Adopter des mesures qui contribuent à limiter la consommation et le gaspillage des ressources naturelles, à éliminer les gaz à effet de serre et la production de déchets qui portent préjudice à la Terre Mère.
En ce XXIe siècle, un « cycle pour le développement » ne peut plus être un cycle de « libre échange ». Il doit au contraire promouvoir un commerce qui contribue à l'équilibre entre les pays, les régions et la mère nature, en établissant des indicateurs qui permettent d'évaluer et de corriger les règles du commerce en fonction d'un développement durable.
Sur nous qui gouvernons, repose une énorme responsabilité à l'égard de nos peuples. Des accords comme ceux de l'OMC doivent être largement connus et débattus par tous les citoyens et non seulement par des ministres, des entrepreneurs et des « experts ». Nous, peuples du monde, devons cesser de n'être que des victimes passives de ces négociations, et nous devons devenir des protagonistes de notre présent et de notre futur.
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