Tableau de la France, ou tableau des pratiques des partis politiques ? Tribune libre
Après nous être posé la question "Concarneau est-elle devenue une ville de droite ? ", on pourrait se demander "la France a-t-elle basculé dans l'extrême droite ? ".
C'est heureusement moins simpliste que cela. Que signifie un vote, pour la plupart des gens ? Et que signifie en particulier un vote FN ?
Mais une autre question s'impose : quel sens cela a-t-il de voter pour des listes aux élections européennes, dans les conditions actuelles ?
Pourquoi, déjà, ces circonscriptions, en France, pour les élections européennes ? Chaque grande région serait-elle représentée au Parlement européen ? Quelle relation peut avoir le citoyen avec chacune des listes proposées ? Il y avait plus de 30 listes dans notre région. Quel est l'intérêt pratique de se présenter sur une liste inconnue à des élections européennes, sans faire de meeting dans la région ?
Même en essayant d'être un citoyen soucieux de faire vivre la démocratie, cette avalanche de listes et de candidats n'a aucun sens et décourage toute démarche de vote. Alors, se rabattre sur les listes des formations connues ? Les députés élus au Parlement européen deviennent lointains, se coupent de la réalité de la vie citoyenne de base et discourent (quand ils sont présents dans leurs assemblées, ce qui n'est pas si fréquent) sur des règlements dont les citoyens ne possèdent ni les enjeux ni les argumentaires, et qu'ils devront un jour appliquer, souvent contre leur gré.
De plus, chaque liste est élaborée dans des cercles restreints, on en découvre la teneur 3 jours avant les élections, on ne connaît pas les candidats, c'est la caricature de la démocratie représentative. Le peuple, dont nous sommes, pense à juste titre qu'on se moque de lui, et que les candidats bien placés pour être élus ont choisi avant tout une carrière politique bien confortable et bien "planquée".
Et puis, les partis connus on les rencontre à chaque élection, et on se lasse de cette répétition des mêmes discours, quelles que soient les élections, quels que soient les enjeux. Je dirais même qu'on se lasse des discours en général et que, même si le langage est le propre de l'homme et a permis le développement de compétences qui nous particularisent au sein des autres animaux, "trop de discours tue le discours", et tue surtout l'intérêt de ceux qui écoutent. Les politiques sont des professionnels des discours, plus que des professionnels de la politique. Car, dans la politique il y a en principe de l'action. Or l'action est maintenant rendue impossible "à cause des réalités économiques, de la mondialisation, etc...". Les personnages politiques s'affrontent par discours interposés, alors que leurs discours défendent toujours la même vision, à savoir la croyance dans l'inéluctabilité des réalités économiques et des façons d'enrayer les crises...
Les classes populaires ont à juste titre abandonné ces professionnels de la politique qui ne savent plus s'il existe des conceptions de droite ou de gauche, les deux étant maintenant juxtaposées. Elles prêtent l'oreille aux discours qui prétendent rompre avec ceux de tous les autres. De plus, comme l'ont observé des sociologues depuis des années (lire par exemple "Retour à Reims" de Didier Eribon), les grands partis, -et surtout le parti communiste, qui était présent dans les quartiers jusqu'à une date encore pas si ancienne- ont abandonné eux-mêmes les classes populaires et s'adressent prioritairement aux classes moyennes aisées, et aux patrons, laissant les quartiers à des réseaux du FN ou à des réseaux religieux. Et comme le FN n'a pas encore fait ses preuves dans la gestion des affaires, à l'exception de quelques villes, ses discours et sa présence dans les quartiers passent bien.
Quelles conclusions en tirer pour notre ville ? Comme plusieurs d'entre nous le suggèrent depuis un moment, il est temps de changer nos pratiques politiques, ou citoyennes. Créons des espaces et des temps de rencontre avec les habitants, sous d'autres formes. Imaginons des moments festifs qui soient en même temps des moments de discussion. Devenons des interlocuteurs incontournables sur certains thèmes, ceux que nous avons déjà étudiés et d'autres, innovons des méthodes, des démarches, des réponses, des interpellations, qui sortent de la routine...
Jacques Ménochet