A propos de l'expulsion du CRADE

Publié le par ababordtoute

 

L'expulsion du CRADE donne l'occasion de parler de plusieurs réalités qui ont rapport avec la vie d'une commune :

 

  • quand les pouvoirs publics veulent intervenir de manière radicale, ils n'hésitent pas à déployer des forces considérables, qui paraissent disproportionnées à la situation. En l'occurrence, ce jeudi 23 juin, la rue des Thoniers était bloquée à ses deux extrémités par une bonne quinzaine de policiers en uniforme. Juste devant le local visé, plusieurs policiers en civil supervisaient le « déménagement » du matériel dans un, puis deux camions d'une entreprise de garde-meubles. Des ouvriers avaient aussi été chargés de poser un grillage devant la grande fenêtre, et de le souder, ainsi que de souder les portes d'entrée, une fois les vélos et autres matériels chargés.

  • Les policiers empêchaient les sympathisants de franchir les barrages qui bloquaient la rue. Personnellement, je suis passé sans encombre, étant le premier sur place, après Rémi et Xavier. Ils interdisaient aussi les photos, surtout les photos qui les faisaient rentrer dans le cadre.

  • Ce déploiement de forces est bien symbolique d'une société fondée sur la propriété privée et sur l'obligation de faire circuler de l'argent pour justifier d'une activité sociale.

 

  • Reprenons ces deux points :

  • 1) En France, comme dans bien des pays, la demande de logements excède l'offre de logements disponibles, alors qu'une partie importante des habitations ou locaux commerciaux sont vides.

  • Sans doute devons-nous différencier les deux.

    Beaucoup de logements individuels restent vides :

    •  
      • soit parce que des héritiers n'arrivent pas à un accord, ce qui peut durer des années durant lesquelles ces logements sont inoccupés, et se détériorent

      • soit parce qu'ils sont des logements dits « résidences secondaires » et sont peu utilisés dans une année

 

Or, plutôt que de toujours vouloir construire du neuf, faudrait-il faire l'inventaire des logements d'une commune, et fixer des règles d'utilisation minimum, en-deçà de laquelle le logement pourrait faire l'objet d'une incitation à la location, ou, dans le cas de logements semblant abandonnés, l'objet d'une réquisition par la commune, après recherche infructueuse des propriétaires, ou dialogue impossible

 

Il en est de même des locaux à usage commercial ou industriel. La commune devrait être en mesure de faire l'inventaire des locaux non utilisés, et de faciliter leur attribution possible à des porteurs de projets, en accord négocié avec les propriétaires. Les créateurs de projets pouvant être des artisans, des petites entreprises, ou des associations.

 

           2) Lors de l'expulsion du CRADE, l'un des fonctionnaires de police reprochait à l'association de « faire de la concurrence » aux entreprises de vente, location et maintenance de deux-roues. Toute association qui prétend proposer des services sans l'intermédiaire de la circulation de la monnaie est considérée comme pratiquant la fraude, ou le commerce illégal (voir les ennuis des SEL à leur création). Encore un frein au débat sur la gratuité. Comme le disait à peu près le regretté André Gorz, deux femmes ou hommes qui ont des enfants et les gardent à la maison sont considéré(e)s comme des inactifs, économiquement, alors qu'en faisant garder les enfants de l'un(e) par l'autre, et vice-versa, contre rémunération, ils ou elles deviennent des acteurs économiques à part entière.

Seul l'échange de monnaie a droit de cité.

 

D'autre part, proposer d'aider à la réparation (ce qui était le cas) est, de même considéré comme louche, dans notre société. Aider les citoyens à se prendre en mains et à acquérir des compétences dans leur vie quotidienne (réparer leur vélo, etc...) est considéré comme un danger économique. Pour reprendre Ivan Illich, la société moderne a peu à peu retiré à l'individu tous les savoir-faire qui lui étaient transmis dans la pratique au sein de sa famille, de son milieu, etc... Et les initiatives collectives qui visent à lui rendre ces savoir-faire, si elles sont tolérées au sein des familles restreintes, sont fortement soupçonnées comme sources de fraudes et d'épanouissement social et politique (attention, danger...) si elles émanent d'associations ou de groupes quelconques.

Malgré ces soupçons systématiques, des ateliers collectifs d'aide à la réparation automobile ont été créés dans plusieurs villes, dès les années 70. L'originalité du CRADE était de faire la même chose pour les deux-roues, tout en prônant des modes de déplacement « doux », non énergivores, et l'utilisation intelligente des transports en commun.

 

Plutôt que de se résigner à déplorer une atteinte aux libertés, réfléchissons au développement de ces modes de services ou productions alternatifs, au sein d'une commune. La nécessité d'un bouleversement des valeurs économiques et sociales pourrait faciliter des initiatives porteuses.

 

Je pense à des ateliers associatifs autour de la menuiserie, ou d'autres activités ayant rapport avec la créativité ou la maintenance des logements individuels, sous la forme d'aide à la production, à la réparation...et le partage des machines et des outils...

 

De même pour tout ce qui concerne l'art et la culture.

Des associations existent déjà, mais il y aurait un esprit neuf à instaurer... La culture et l'art se sont éloignés des préoccupations des travailleurs... Questions de méthode, et de fond...

 

Jacques Ménochet

 

 

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