Hôpital : une réforme à haut risque


Coups de bistouri sur l’hôpital.
Dossier réalisé par Alexandra Chaignon
pour "L'humanité" du 10 spetembre 2008


Le texte décrypté point par point avec les commentaires de plusieurs acteurs de terrain : Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), Pierre Faraggi, président de la Confédération des praticiens hospitaliers (CPH), Nadine Prigent, secrétaire générale de la CGT Santé, Yohann Wayolle, chargé de mission auprès de l’Association des petites villes de France (APVF), Michel Anthony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Olivier Veran, vice-président de l’Isnih (Inter syndicat national des internes des hôpitaux), Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), la Fédération hospitalière de France (FHF) et la fédération syndicale FO.



TITRE I : MODERNISATION DES ETABLISSEMENTS DE SANTE

Directement inspiré du rapport Larcher sur les missions de l’hôpital, ce volet préfigure un nouveau paysage hospitalier avec de nouvelles règles. Il instaure un hôpital calqué sur le modèle des entreprises, avec un directeur « patron », à la tête d’un directoire. Proposition phare de ce texte : le regroupements d’hôpitaux autour d’un établissement principal pour un soit disant meilleur maillage territorial. Ce chapitre donne aussi la possibilité aux cliniques privées à but lucratif d’assurer des « missions de service public » et de participer à des « groupements de coopération sanitaire ». Des propositions qui rejoignent la démonstration faite par Nicolas Sarkozy lors de son discours sur l’hôpital en avril : « Le service public hospitalier, c’est une mission plus qu’un service ». Pour résumer, ce chapitre donne tous les outils pour fermer, concentrer, fusionner, privatiser le public au dépend de la qualité et de la proximité.

Article 1 : privatisation hôpital public

Philosophie : Certaines des missions des établissements de santé doivent évoluer.
Ainsi, la permanence des soins hospitalière ne peut plus rester l’apanage des seuls établissements publics. Il importe que celle-ci soit organisée en fonction des besoins de la population du territoire de santé. Il est ainsi proposé que l’ensemble des missions de service public puissent être assurées par tous les établissements de santé quel que soit leur statut, y compris communautés hospitalières de territoire et
groupements de coopération sanitaire.

Texte de loi :
Article L. 6112-2 : « Lorsqu’une ou plusieurs des missions de service public ne sont pas assurées sur un territoire de santé, l’agence régionale de santé désigne en tant que de besoin parmi les établissements mentionnés au premier alinéa, celui ou ceux qui en sont chargés, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. » (cf article L. 6112-1)

Commentaires :
Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) : « C’est la privatisation pure et simple de l’hôpital public. La loi hôpital 2007 avait déjà conduit les hôpitaux dans une impasse, créant des dysfonctionnements majeurs. Dans ce nouveau schéma, on rentre complètement dans la course à la rentabilité, où le malade n’est plus qu’une donnée économique. C’est le faire part de décès définitif du service public hospitalier. » 

Article 5 : Représentativité et Conseil de surveillance

Philosophie : Désormais, un conseil de surveillance remplace le conseil d’administration. Ses compétences sont recentrées sur la définition de principes, d’orientations stratégiques et sur des fonctions de contrôle. Le conseil de surveillance exerce un contrôle sur l’ensemble de l’activité de l’établissement.

Texte de loi :
Article L. 6143-5 : « Le conseil de surveillance est composé comme suit : Au plus quatre représentants des collectivités territoriales (…) ; au plus quatre représentants du personnel médical et non médical, deux désignés par le CTE et deux désigné par la CME. »


Commentaires :

Nadine Prigent, secrétaire générale de la CGT Santé : « Exit la démocratie sanitaire et sociale à l’hôpital. Aujourd’hui, on est présent dans les instances décisionnelles au regard de notre représentativité. Avec l’instauration de conseil de surveillance, on ne représentera plus son organisation syndicale mais le CTE (comité technique d’établissement). Sans parler que celui-ci n’a plus de pouvoir. On est à l’opposé des valeurs de service public et de ce qu’il faudrait pour regagner la confiance et la motivation des personnels. Une réforme n’associant pas ses personnels, les élus et les usagers est vouée à l’échec. »

Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) : « En remplaçant le conseil d’administration, dont le président est le maire de la ville, par un conseil de surveillance, Roselyne Bachelot donne un camouflet aux élus de la République. Et si l’élu de la nation n’a plus de droit de regard sur l’hôpital, qui est le déversoir de tous les maux de notre société, où va-t-on ? Toute part démocratique et transparente de l’hôpital disparaît au profit d’une gestion technolibérale. »

Yohann Wayolle, chargé de mission auprès de l’Association des petites villes de France (APVF) : « On regrette la disparition des conseils d’administration présidés par les maires. Avec les conseils de surveillance, tout est encore flou : quel sera la place et le poids accordé aux élus ? Les élus des petites villes auront-ils une place ? »

Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) : « Passer de trois représentants des usagers à l’hôpital, c’est un peu court. Il faudrait revenir à deux. C’est une question de démocratie sanitaire. »

Article 6 : Un super « patron » d’hôpital


Philosophie : Le pilotage des hôpitaux publics doit être facilité par le renforcement des pouvoirs et de l’autonomie du chef d’établissement : président du directoire, le directeur se voit confier la pleine responsabilité de l’établissement de santé. Le conseil exécutif devient un directoire, doté de compétences larges en matière de gestion et présidé par le chef d’établissement.

Texte de loi :
Article L. 6143-7. – « Le directeur de l’établissement conduit la politique générale de l’établissement. Il préside le directoire et représente l’établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l’établissement. (…) Le président du directoire dispose d’un pouvoir de nomination dans l’établissement. Il nomme dans leur emploi les directeurs adjoints et les directeurs des soins de l’établissement. Sur proposition du chef de pôle lorsqu’il existe, et après avis du président de la commission médicale d’établissement, il propose au directeur général du centre national de gestion la nomination des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques mentionnés au 1° ( ???) de l’article L. 6152-1. Le président du directoire est ordonnateur des dépenses et des recettes de l’établissement. »


Commentaires :
Nadine Prigent : « On met en place un hôpital calqué sur le modèle des entreprises capitalistiques, avec un directeur patron à la tête d’un directoire dont il nomme tous les membres. L’hôpital est réduit à un simple outil de production de soin avec un super patron.

Pierre Faraggi (CPH) : « En instaurant, comme le préconisait le président de la République, un seul patron, on caporalise le corps médical. Certes, il est là pour diriger. Mais à l’hôpital, les décisions et orientations doivent être partagées entre les instances dirigeantes et le corps médical. Ce qui n’est pas le cas avec ce projet de loi. De plus, après une succession de réformes coûteuses et chronophages, c’est relance l’hôpital dans une révolution culturelle dont il n’a pas besoin pendant que le privé peut continuer de gagner des parts de marché. C’est bien de vouloir rendre l’hôpital compétitif, mais avec cette organisation interne, le gouvernement prévoit tout à l’envers. »

Article 9 : Précarisation des médecins

Philosophie :
Cet article crée un nouveau statut contractuel destiné à « renforcer l’attractivité del’hôpital public pour les médecins » et à offrir « de nouvelles perspectives d’exercice et de rémunération aux praticiens désireux de s’impliquer activement dans la vie de l’hôpital ». En pratique, les rémunérations seront modulées sur la base d’objectifs et d’engagements individuels du praticien, notamment d’activité. La rémunération du praticien comportera une part fixe, et une part variable en fonction du degré de réalisation des objectifs définis chaque année.

Texte de loi :
L’article L. 6152-1 du code de la santé publique est ainsi modifié : « Ces dispositions réglementaires prévoient notamment la possibilité pour les établissements publics de santé de recruter des praticiens contractuels cliniciens, pharmaciens ou odontologistes hospitaliers dont la rémunération comprend des éléments variables en fonction d’engagements particuliers et de la réalisation d’objectifs quantitatifs et qualitatifs. L’établissement peut mettre fin au contrat au terme de la première année en cas d’insuffisance de la réalisation des objectifs. »


Commentaires :
Pierre Faraggi, président de la Confédération des praticiens hospitaliers (CPH) : « Ce n’est pas en proposant aux jeunes médecins des contrats contractuels précaires que l’on va inciter les jeunes à venir à l’hôpital. L’effet risque d’être inverse. »

Patrick Pelloux, : « C’est la fin du statut de praticien hospitalier. Leur statut plus souple, ajouté à la promotion du directeur au rang de « patron » de l’hôpital, risque de transformer le service public hospitalier en une entreprise de santé dont les objectifs seraient purement financiers. D’ailleurs, en imposant un contrat d’objectif et de moyens, dont on ne sait pas pour l’instant sur quoi il se basera, on accélère cette course à la rentabilité. Et en faisant appel à des médecins libéraux, on va vers la privatisation du système. »

Olivier Veran, vice-président de l’Isnih (Inter syndicat national des internes des hôpitaux) : « On nous promet de conserver le choix. Mais rien n’est sûr. Quant aux contrats d’objectif, on ne sait pas de quoi il retourne : S’agit-il de T2A ? Du nombre de patients accueillis ? On n’est pas opposé sur le principe, mais on demeure
méfiant. »

Article 11 : Des regroupements synonymes de menaces


Philosophie : Le présent article vise à créer des communautés hospitalières de territoire (CHT), dont la taille et les moyens sont censés permettre « de mieux répondre aux besoins des populations d’un territoire en favorisant une plus grande souplesse d’organisation et de gestion ». La communauté hospitalière de territoire doit permettre à plusieurs établissements de se fédérer pour mettre en commun leurs ressources dans une logique de délégation de compétences. Une communauté d’établissement peut être crée à l’initiative de ses membre ou sur injonction de l’agence régionale de santé. Est inscrit dans ce chapitre que les établissements membres peuvent prévoir de « modifier la répartition de leurs activités ». Entendez  suppression d’activité probable pour de nombreux hôpitaux locaux.

Texte de loi :
Article L. 6132-2. : « Une communauté hospitalière de territoire est un établissement public de santé qui se voit déléguer des compétences par plusieurs établissements publics de santé adhérents, en vue de mettre en oeuvre une stratégie commune et de mutualiser certaines fonctions et activités. »

Article L. 6132-7. : « Après avis des conseils de surveillance des établissements adhérents et de la communauté hospitalière de territoire, le directeur de la communauté hospitalière de territoire peut décider des transferts de compétences et d’autorisations d’activités de soins et d’équipement matériel lourd entre les
établissements adhérents à la communauté hospitalière de territoire, ou entre ces établissements et la communauté hospitalière de territoire, dans le respect du schéma régional de l’organisation des soins et des dispositions de l’article L. 6122-3. »

Commentaires :
Pierre Faraggi : « Cela pose un problème d’arbitrage entre établissements, dont certains vont perdre leur autonomie. Pour l’instant, il n’y a ni règle, ni outil concernant la mise en place de ces communautés hospitalières. » Nadine Prigent : « Ce qui se profile, c’est un hôpital tête de pont par département, avec autour des hôpitaux filialisés où il ne restera qu’un peu de médecine et un accueil d’urgence minimal. Les établissements pourront être volontaires, mais l’ARS pourra imposer ces regroupements. Et cette dernière pourra aussi décider de mettre sous tutelle les établissements qui ne rentrent pas dans les clous. On est dans une logique très autoritaire. C’est à l’opposé de ce que représente l’hôpital, qui est un condensé d’humanité. Je ne sais pas si le gouvernement mesure l’écart entre ce milieu et un tel dispositif de carotte et de bâton. Et tout ça pour des économies d’échelle… »

Michel Anthony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité : « Il y a peu de différence avec les propositions du rapport Larcher. En attendant, le plus grand flou persiste sur les communautés hospitalières et la manière dont devraient se mettre en place les réseaux hospitaliers. Ce qui est sûr, c’est que cette mutualisation de moyens va se traduire par une restriction de l’offre sanitaire aux populations. Si l’Etat prônait vraiment un aménagement égalitaire du système de soins, il commencerait par arrêter la casse actuelle pour faire le point et faire des propositions. Or c’est l’inverse qui se passe. Carhaix, Lésignan, Juvisy… Partout les menaces continuent.

Yohann Wayolle : « L’APVF n’est pas opposée aux regroupements, à condition qu’ils ne cachent pas une politique de recomposition : vider les petits hôpitaux de leur substance et programmer leur disparition. L’organisation doit répondre à trois principes : accessibilité, complémentarité et subsidiarité. A savoir qu’à coût et niveau de sécurité équivalent, un nombre important d’actes peut être effectué dans de petits hôpitaux. »

Fédération hospitalière de France(FHF) : « Le cadre des incitations n’est pas très bien défini. »

Article 12 : Coopération public/privé

Philosophie : Le groupement de coopération sanitaire constitue le mode de coopération privilégié entre établissements de santé publics et privés et permet également les coopérations avec les professionnels de santé libéraux ou le secteur médico-social. Il permet de mutualiser des moyens ou d’exercer en commun une activité autorisée sur un ou plusieurs territoires de santé, et à l’échelle d’une ou plusieurs régions.

Textes de loi :
Article L. 6133-4. : « Le groupement de coopération sanitaire comprend au moins deux membres, dont un établissement de santé. Un groupement de coopération sanitaire peut être constitué entre des établissements de santé de droit public ou de droit privé, des établissements médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que des professionnels
médicaux libéraux, à titre individuel ou sous forme de société collective. »

Article L. 6131-2. : « Aux fins mentionnées à l’article L. 6131-1, le directeur général de l’agence régionale de santé peut demander à un ou plusieurs établissements publics de santé : 1° De conclure une convention de coopération ; 2° De créer une communauté hospitalière de territoire, un groupement de coopération sanitaire, ou un groupement d’intérêt public ;3° De prendre une délibération tendant à la création d’un nouvel établissement public de santé par fusion des établissements concernés. (…) Dans la mesure où sa demande ne serait pas suivie d’effet, le directeur de l’agence régionale de santé peut, (…) prendre les mesures appropriées pour que les établissements concluent une convention de coopération, adhèrent à un réseau de soins ou créent un groupement de coopération sanitaire, un groupement d’intérêt public, ou prononcer la fusion des établissements publics de santé concernés. Il peut également prendre un arrêté prononçant la création d’une communauté hospitalière de territoire et fixant la liste des établissements publics de santé la composant ainsi que le contenu de sa convention constitutive. »

Commentaires :
Nadine Prigent : « En simplifiant le support juridique des groupements de coopération sanitaire, le gouvernement se donne tous les outils technique pour restructurer l’hôpital à grande échelle. »

Patrick Pelloux : « Avec ces procédures simplifiées de coopération, tout ce qui est rentable risque d’être transféré au privé quand cela n’a pas été déjà fait. Et on laisse au public les pauvres, les vieux, les maladies les plus lourdes et donc les plus coûteuses… En bref, on empêche l’hôpital de s’enrichir. »


Titre II : ACCES DE TOUS A DES SOINS DE QUALITE

Côté positif, ce texte confirme le rôle d’acteur pivot du médecin généraliste. Il prévoit également de lutter contre la discrimination en renforçant les sanctions à l’égard des praticiens qui refuseraient de soigner un patient sans raison valable. En dehors de ces deux chapitres, ce volet se limite à un recueil de bonnes intentions, sans réelles mesures concernant la démographie médicale, la régulation et l’installation des médecins ou encore la rémunération à l’acte.

Article 14 : Mission du médecin généraliste

Philosophie :
Le présent article a pour objet de définir une organisation du système de santé basée non pas sur l’offre, mais sur les besoins de santé de la population. Afin d’articuler l’offre de soins présente au niveau local, cet article précise la définition du rôle particulier du médecin généraliste de premier recours en tant qu’acteur pivot, le plus souvent médecin traitant.

Texte de loi :
Article L. 1411-11. : « Les soins (de premier recours, NDLR) comprennent : « 1° La prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des maladies et des affections courantes ; 2° La dispensation et l’administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux ; 3° En tant que de besoin, l’orientation
dans le système de soins et le secteur médico-social ; 4° L’éducation pour la santé. »

Article L.4130. : « Les missions du médecin généraliste de premier recours sont notamment les suivantes : 1° Contribuer à l’offre de soins ambulatoire sur un territoire, en assurant, y compris dans les établissements de santé et médico-sociaux, la prévention, le dépistage, le diagnostic et le traitement des maladies et des
affections courantes et l’éducation pour la santé pour ses patients ;
2° Orienter ses patients, selon leurs besoins, dans le système de soins et le secteur médicosocial ;
3° S’assurer que la coordination des soins nécessaire à ses patients est effective ;
4° Veiller à l’application individualisée des protocoles et recommandations pour les affections nécessitant des soins prolongés et contribuer au suivi des maladies chroniques, en coopération avec les autres intervenants participant à la prise en charge du patient ;
5° Assurer la synthèse des informations transmises par les différents intervenants et la tenir à leur disposition ;
6° Contribuer aux actions de prévention et de dépistage sur le territoire ;
7° Participer à la permanence des soins dans des conditions fixées à l’article L. 6314-1. »

Commentaires :
Pascal Menguy, vice-président de MG France (syndicat de médecins généralistes) : « L’esprit de loi rappelle la nécessité de l’accès aux soins pour tous. Et pour la première fois, nos missions de médecins généralistes sont inscrites dans la loi. »

Article 15 : Démographie médicale

Philosophie :
Ce texte revient sur le constat d’inégalité d’accès aux soins, qui résulte d’une « mauvaise répartition des
professionnels de santé sur le territoire » et d’une « absence de répartition du flux des étudiants dans les régions », selon les spécialités et en fonction des besoins. Le gouvernement propose de développer une « vision pluriannuelle et organisée aux niveaux national et régional des dispositifs de détermination du numerus clausus, d’ouverture des postes aux épreuves classantes nationales et d’offres de post internat.

Texte de loi :
Article L. 632-2 : « Un arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé détermine pour une période de cinq ans le nombre d’internes à former annuellement par spécialité et par subdivision territoriale, compte tenu de la situation de la démographie médicale dans les différentes
spécialités concernées et de son évolution au regard des besoins de prise en charge spécialisée.

Commentaires :
Benoît Elleboode, président de l’Isnih (Inter syndicat national des internes des hôpitaux) : « Sur le volet de la médecine ambulatoire, on a un peu l’impression de rester sur notre faim. Il n’y a pas grand-chose de concret sur les mesures permettant de combler les inégalités d’accès aux soins. On aurait pu penser que davantage de propositions faites lors des états généraux de l’organisation de la santé seraient reprises, comme la création d’un guichet unique en région. Rien non plus de concret sur l’installation. Et la loi ne parle à aucun moment de moyens. Un certain nombre de choses vont sans doute dépendre du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2009, dont on se méfie davantage. »

Fédération hospitalière de France (FHF) : « La solution retenue pour remédier à la démographie médicale est très minimale. C’est bien de les former des médecins là où il y a des besoins, mais s’ils peuvent aller où ils veulent après, cela va créer de plus en plus de dysfonctionnements. C’est pourtant une question clé. La répartition des médecins est source de beaucoup de dérives. »

Article 17 : Limiter les refus de soins

Philosophie :
Face au phénomène de refus de soins, dont sont victimes, principalement, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), ce texte ambitionne d’interdire « très clairement » la discriminations « pour raisons financières ou sociales ». Parmi les mesures proposées : instauration d’une présomption de preuve en faveur des assurés et pénalités financières pour les médecins fauteurs.

Texte de loi :
Article L. 1110-3 : « Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime présente, à l’autorité ou à la juridiction compétente, notamment au directeur de l’organisme local d’assurance maladie, les faits qui permettent d’en présumer l’existence. »

Article L.162-1-14-1 : « Peuvent faire l’objet d’une sanction, prononcée par le directeur de l’organisme local d’assurance maladie, les professionnels de santé contribuant à restreindre l’accès aux soins de la population :
Article L.162-1-14 : « La sanction, prononcée après avis de la commission et selon la procédure prévue à l’article pourra consister en : - une pénalité financière forfaitaire, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale ; - une pénalité financière proportionnelle aux dépassements facturés ou en cas de récidive, un retrait temporaire du droit à dépassement ou une suspension de la participation des caisses aux cotisations sociales telle que prévue au 5° de l’article L 162-14-1. « Les sanctions prononcées en vertu du présent article font l’objet d’un affichage au sein des locaux de l’organisme local d’assurance maladie et peuvent être rendues publiques dans les publications, journaux ou supports désignés par le directeur de l’organisme local. »

Commentaires :
Philippe Foucras, membre du Collectif des médecins généralistes pour l’accès aux soins (Comegas) : « Que les patients puissent porter plainte et que ce soit aux professionnels d’apporter la preuve qu’ils ne discriminent pas est une bonne chose. Ce qui est aussi intéressant, c’est qu’on s’attaque au portefeuille des médecins. C’est beaucoup plus dissuasif que les menaces ordinales. Le côté place publique et mise au
pilori n’est peut être pas très moral mais pourrait avoir également un effet dissuasif.
Sauf qu’il y a de fortes chances que cet article ne soit quasiment pas appliqué. D’une part, il est probable que les caisses seront peu sollicitées, les patients ayant autre chose à faire que de porter plainte. D’autre part, je vois mal la Sécu aller chercher des poux dans la tête des médecins. De plus, dans ce schéma, la Sécu se retrouve juge et arbitre, ce qui n’est pas sans inconvénient. Pour résumer : cet article est un
catalogue de bonnes intentions, mais qui n’iront pas plus loin. CE qu’il faudrait, c’est travailler en amont et faire de la formation auprès des médecins sur le thème de la prise en charge des populations précaires.


TITRE III : Population et prévention

Un chapitre qui affiche des objectifs de santé publique louables, mais qui vont se confronter à la réalité des moyens disponibles.

Article 23 : Éducation thérapeutique du patient

Philosophie :
Cet article rappelle que dans un contexte de développement des maladies chroniques, l’éducation thérapeutique du patient est une nécessité, « pour la pleine efficacité du système de santé de demain ». D’où l’importance d’inscrire ces pratiques dans le code de la santé publique.

Texte de loi :

Article L.3911-1 : « L’éducation thérapeutique fait partie intégrante de la prise en charge du patient et de son parcours de soins. »
Article L.3911-4. : « L’agence régionale de santé s’assure du maillage territorial de l’offre en éducation
thérapeutique du patient tant en ville qu’à l’hôpital. »


Commentaires :
Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) : « L’esprit de la loi nous convient, mais on n’a pas obtenu gain de cause sur tous les sujets. Ainsi, nous avions demandé la création d’un fonds pour l’éducation thérapeutique. Au final, il n’y a rien. Alors que le pari de demain, c’est de répondre aux besoins de santé des gens. Le problème aujourd’hui, c’est que lorsque l’on sort du cabinet de médecin, on n’a pas de feuille de route. Il manque un protocole de soins individualisé sur l’accompagnement du patient. »

Titre IV : Des ARS aux super pouvoirs

Philosophie :
Ce chapitre créé l’outil politique dans les territoires pour mener à bien mutualisations et économies. Il transfère les compétences de la Sécurité sociale aux directeurs des agences régionales de santé (ARS), dotés de tous les pouvoirs. Ces ARS auront également des prérogatives en matière de « gestion du risque », un champ qui relève de l’assurance maladie. La mise en place d’ARS pourrait faire l’objet d’ordonnance, une
procédure qui permettrait au pouvoir exécutif d’élaborer et de faire adopter directement une partie du texte sans une discussion au parlement comparable à celle qu’aura lieu pour d’autres articles de loi.

Texte de loi :
Article L. 1431-2. : « L’agence régionale de santé est compétente, dans les conditions définies par le présent titre, en matière de : « 1° Politique de santé publique, au sens de l’article L. 1411-1 ; 2° Soins ambulatoires et hospitaliers ; 3° Prises en charge et accompagnements dans les établissements et services médico-sociaux visés aux articles L. 314-3-1 et L. 314-3-3 et au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ; 4° Professions de santé. »

Article L. 1431-3. : « Pour la réalisation de ses missions, et dans le cadre de ses compétences, l’agence : 1° Organise et met en oeuvre l’observation, la surveillance et l’analyse des états de santé et des situations de handicaps et de perte d’autonomie ; 2° Contribue à l’identification et à la réduction des risques liés aux déterminants des états de santé et des situations de handicaps et de perte d’autonomie ; 3° Organise l’offre de services en santé et définit, finance et évalue des actions visant à promouvoir la santé, à éduquer la population à la santé et à prévenir les maladies, les handicaps et la perte d’autonomie ; 4° Organise et met en oeuvre la veille sanitaire, organise le recueil et le traitement de tous les signalements d’événements sanitaires, ainsi que, dans le respect des attributions des représentants de l’Etat compétents, la gestion de la réponse aux alertes sanitaires. Elle contribue à la gestion des situations de crise sanitaire ; 5° Oriente et organise l’offre de services en santé en fonction des besoins en soins et en services médico-sociaux et des exigences d’efficience. »

Commentaires :
Nadine Prigent : « Alors que le gouvernement critique le soit disant hospitalocentrisme, il crée des ARS super patron qui vont concentrer tous les pouvoirs. Il faut noter qu’en plus, elles vont contractualiser la gestion du risque en plus. On peut craindre que les Cram se voient retirer des responsabilités dans le domaine de la santé publique. Et que les DASS et Drass soient menacées de disparition. »

FO : « La mise en place prochaine des ARS remet en cause les structures de l’assurance maladie qui pourrait se traduire par un démantèlement du réseau. Le ministère n’a tenu aucun compte de ce qui lui a été dit au fil des mois, dans ce qui apparaît maintenant comme de pseudo-concertations. »

Pierre Faraggi : « Les ARS peuvent être positives dans la mesure où elle propose une gestion simplifiée de l’ensemble du système de santé, mais à condition qu’en face d’un préfet sanitaire tout puissant, il y ait un contre pouvoir. Ce qui ne semble pas être le cas. »

Olivier Veran : « Il est important de centraliser le système de santé au niveau régional, mais des questions persistent : quelle sera la place et l’étendue de la prise de décision des professionnels de santé dans ces instances ? Et on ne peut que regretter l’absence complète d’implication des jeunes. ...
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